Dans notre monde occidental où des poules rousses « normalisées », issues de couveuses géantes, vivant dans un environnement industrialisé pour juste donner leurs oeufs et leur chair, ces choses-là n’existent pas !
Dans nos villes, nos cités, nos lotissements où les poules sont parfois tolérées mais pas le chant du coq, ces choses-là n’arrivent pas !
Dans des coins de campagne reculés, heureusement, vivent des poules et des coqs au diapason avec la nature. Et nous, humains, avons alors la chance de nous émerveiller devant le miracle du Vivant.
Une poule de réforme, nommée Poulette, seule rescapée d’un lot de six, y vivait sa paisible retraite.
A l’automne, Pierre-André est allé chercher un coq que nous avons baptisé Julio (Iglesias) pour son chant, Mademoiselle Jeanne (Manson), la starlette capricieuse à souhait et Bip-Bip, une poulette qui zigzaguait à une vitesse folle dès que nous entrions dans le poulailler. Le trio lui avait été cédé par des personnes ne souhaitant plus s’en occuper.
Bip-Bip et Jeanne se sont mises à pondre fin décembre. Julio est devenu un beau coq, fier, chantant haut et clair et faisant une cour effrénée à ces dames.
A la mi-mars, Bip-Bip s’est posée sur son nid pour ne plus en bouger. Imperturbable malgré les ouvertures bi-quotidiennes du poulailler, elle était là comme statufiée. Ce changement radical de comportement était plus que surprenant ; nous avons alors pris l’habitude de lui caresser la tête pour la faire réagir et être ainsi sûrs qu’elle était encore en vie.
Dans l’intervalle, il a fallu bricolé une poussinière : un abri et un enclos adaptés.
Vingt et un jours plus tard, toujours rien. Comme la maman était, exceptionnellement sortie prendre l’air et se dégourdir les pattes, je suis allée voir son nid. Et là, consternation ! Elle couvait dix-sept oeufs ! Autrement dit, mission impossible pour une poule naine. Elle avait récupéré tous les oeufs que ses consoeurs avaient pondus à proximité.
Nous avons improvisé un mire-oeuf à la hâte puis éliminé tous ceux dans lesquels aucun embryon se s’était développé, soit une dizaine.
Au ving-cinquième jour, nous avons aperçu une première petite boule de duvet toute blanche ; c’était Pouss’un. Grand moment d’émotion !
Deux jours plus tard, Bip-Bip nous présentait ses quatre poussins, tous blancs. Un seul avait quelques reflets roux.
Elle avait couvé avec une assiduité exemplaire et maintenant nous pouvions la voir éduquer et protéger ses petits avec un dévouement sans faille.
Dans les derniers jours d’avril, Jeanne s’est mise en tête d’en faire autant. Nous lui avons confié six oeufs. Toujours sur le qui-vive, poussant des cris très dissuasifs lorsque quiconque s’approchait, elle a cependant mené sa couvaison à terme. Le 18 mai, il y avait cinq poussins supplémentaires dans notre poulailler.
Autant Bip-Bip avait été une mère attentionnée, autant Jeanne les laissait se débrouiller tout seuls. A l’ouverture de la poussinière, elle les a tout bonnement abandonnés. Elle est retournée dormir dans le grand poulailler avec des perchoirs pas du tout adaptés aux poussins.
Début mai, nos voisins nous avaient donné deux poules adultes Coton et Roussette. Et c’est Roussette qui a, littéralement, pris les petits sous son aile. La nuit, les petits se glissaient sous elle ; le jour, elle les appelait pour leur présenter les vers qu’elle avait dénichés pour eux. Nous ne saurons pas qui a adopté qui mais, dans les faits, elle est devenue leur mère adoptive.
Un poulailler est une micro-société où se succèdent des naissances, des maladies, des accidents et des décès sur un court laps de temps.
A la mi-mai, Julio s’est retrouvé paralysé du côté droit. Son décès a occasionné un remaniement radical dans la hiérarchie du poulailler : la gouvernance est devenue matriarcale !
Les quatre petits de Bip-Bip se portent à merveille : Pouss’un et Plumette pour les poulettes, Roucas et Poulet pour les poulets.
Les cinq de Jeanne ont eu moins de chance. Un poussin est mort à 6 jours : obstruction du jabot. Deux autres sont décédés de façon subite et inexpliquée. Les survivants(tes) Pépito-Pépita, Tachito-Tachita, bien qu’indépendants(tes), continuent à graviter autour de leur maman de coeur.
Ainsi va la vie à Charbes où la poule a fait le printemps en lieu et place de l’hirondelle !
Pierrette